Nouvelles de Haïti
27 et 28 juin, deux jours pour récupérer en attendant la valise de Abigail. Deux jours pour se refaire, prier et s'informer de la réalité, deux jours pour se remettre du choc de la visite d'hier.
29 juin arrivée de la valise d'Abigail après 3 jours. Sortie à 13 h nous sommes revenues de la maison à 16h avec la valise. Un ouf de soulagement, surtout pour le Tekila qui s'y trouve (un cadeau pour ceux qui nous accueillent). Nous avons pu nous rendre compte de la circulation en ville et surtout du désordre qui règne à tous les niveaux. Les gens marchent sans arrêt, des marchands ambulants vous assaillent de toute part, chacun se débrouille comme il peut dans cette ville fantôme au milieu des décombres et des maisons à moitié détruites. Ce décor donne l'impression que le séisme a lieu seulement il y a une semaine. Rien ne bouge et les sinistrés semblent s'installer pour de bon dans les camps de fortune.
Au sortir d'une rue, un attroupement de personnes. Que se passe-t-il ? Un écran géant y est installé. Hommes, femmes et enfants sont là à regarder la télé. Les matchs du mondial leur permettent d'oublier pour un temps leur situation précaire. Lorsque le Brésil joue, l'activité des Haïtiens s'arrêtent. Il y a le drapeau brésilien qui flotte partout sous toutes les formes. La présence massive des américains est un fait. Celle des brésiliens n'en est pas moins. C'est s'il y avait deux forces qui cherchent à s'imposer. L'une sur le plan économique, politico militaire, l'autre sur le social.
Pour notre voyage du 30 juin, nous avons besoin de prendre des billets du bus. Arrivée à l'endroit qui tient lieu de gare, nous sommes surprises par l'état du lieu et le désordre qui y règne. Des gros gaillards sont là à attendre les passagers. Sans compter les voleurs qui s'infiltrent et profitent de la moindre distraction pour agir. C'est ce qui nous est arrivée. Il a fallu vite s'en aller de là après avoir récupéré notre bidon d'eau qui venait de disparaître.
30 juin, voyage vers Port de Paix. Il faut environ 6h pour atteindre Port de Paix. Lever à 4 h 15 pour être à la gare à 5 h 30. 6 h 30, départ. Après quelques kilomètres de route butinée, nous voilà lancée sur une voie caillouteuse. Indescriptible ce voyage seulement. L'essentiel c'est d'être bien arrivée malgré la fatigue, la poussière et tout le reste. Nous sommes accueillies par les sœurs Servantes Lassaliennes de Jésus. Une congrégation récente de spiritualité Lassalienne. Les sœurs tiennent une école primaire et un internat de 108 enfants –garçons et filles de 3 à 14 ans. La plus part d'entre eux viennent de Port-au-Prince, se retrouvant sans parents ou sans abri. Nous avons demandé à la sœur de nous accorder l'après midi libre pour pouvoir récupérer un peu. Demain, nous programmerons avec elle notre séjour d'un mois et 10 jours.
1er juillet 2010 : première journée dans ce foyer d'accueil pour enfants entièrement construite par des italiens. Du reste le drapeau italien est bien dressé à l'entrée principale de la maison. Lieu d'échange ou « nouvelle colonisation » ? Pour notre part, nous devons cohabiter avec eux durant 15 jours. Après un tour de la maison, nous avons constaté l'ampleur de la mission et les besoins de donner à ses enfants l'affection et l'attention dont ils ont besoin.
Ensemble avec Abigail, nous avons élaboré un programme à soumettre à la responsable de la maison pour avoir une base d'échange sur ce qu'elle attend de nous. Ainsi, chaque matin, nous allons aider au niveau de la cuisine et du service de table pour les enfants. Les après midi, nous allons visiter le quartier pour mieux connaître la réalité. Ce qui frappe, c'est l'extrême pauvreté des familles et le nombre impressionnant d'enfants de tous âges. Nous restons bien souvent dehors ou devant les maisons pour faire un brin de causette car tous parlent ici le créole, asse proche du français. C'est qui me facilite la compréhension de quelques mots ou phrases. Par exemple pour dire, « moi j'ai besoin de parler à Paul », c'est moyin, beson parler a Paul ». A y voir de plus près, ce peuple semble bien résigné dans sa condition de précarité. Habitué a toujours recevoir, il y a comme une mentalité d'assistée qui s'est forgée et partagée par tous. Comment les aider à se prendre en charge ?
Ce tremblement de terre, ne pourrait-il pas être une opportunité pour redémarrer une nouvelle Haïti ? De manière générale, il faut développer une vision ambitieuse et audacieuse pour ce pays : élaborer un plan. En fait de plan, il n'en existe aucun. Pour l'instant, le peuple est plutôt pris dans la survie au quotidien. Le moment n'est-il pas propice pour relever le niveau de vie d'avant le 12 janvier ? A mon avis, il y aurait cinq (5) secteurs incontournables pour relancer ce pays.
- Penser au micro crédit en augmentant le nombre de bénéficiaires y compris les femmes.
- Revoir le système éducatif pour donner une éducation et une formation de qualité.
- Le logement : la crise devrait être une occasion pour lancer un vrai plan de logements sociaux. L'urbanisation est un réel problème ici.
- La santé est un secteur à revoir dans toute sa totalité.
- La reconstruction de l'appareil étatique complètement détruit
C'est qui est frappant lorsque nous nous sommes rendues ce 2 juillet au centre ville à la recherche d'un cyber café pour donner quelques nouvelles. Ce qui ressemble au centre ville de Port de Paix, c'est un amas d'ordures, des routes inexistantes, des taxis moto qui vont dans tous les sens, des étalages tout le long des trottoirs, des magasins vides ou poussiéreux, des égouts à ciel ouvert… Sous un soleil de plomb, nous parcourons une partie de la ville à la recherche des produits pour faire notre crème. Dans la dynamique de notre Réseau Bleu de Solidarité Sociale, le partage des savoirs et des savoirs faire est une caractéristique. C'est ainsi que m'est venu l'idée d'apprendre à faire de la crème pour la peau à base de produits naturels. J'ai profité de la présence en ville pour faire quelques achats (glycérine, eau de Cologne). Voici le long processus de préparation depuis les noix de coco qu'il faut casser – râper, faire bouillir afin d'extraire l'huile… Tout le monde s'y est mis finalement, depuis le chauffeur, le gardien, les postulantes, aspirantes, jusqu'au petit handicapé de la maison.
Samedi 3 juillet pas de messe ce matin. C'est-à- dire pas de piste caillouteux à monter durant 15 mn. C'est un horaire spécial avec le grand ménage de la maison. Dans l'après midi, de nouveau la visite dans le quartier. Cette fois-ci, ce qui me frappe c'est la situation des femmes. Visiblement, elles sont très actives dans le petit commerce. Au coin de chaque rue, on trouve une boutique, ou de la nourriture à acheter, même si l'hygiène n'y est pas souvent. Ce qui importe ici, c'est la survie dans un milieu qui n'offre pas toujours les conditions favorables.
Lundi 5 juillet : anniversaire de