Célébration en l’honneur des MORTS de la RUE: Marie Bernard de Fontenay-aux-Roses raconte

Célébration en l’honneur des MORTS de la RUE

 

     Depuis 2002 une quarantaine d’Associations de toutes religions et philosophies se sont réunies pour rendre un hommage aux « MORTS DE LA RUE ».

 

     2 célébrations ont lieu chaque année : l’une laïque, l’autre interreligieuse. Ces célébrations ont lieu dans des endroits divers : la Concorde, le Centre Pompidou, la Mairie de Paris, la place du Palais Royal…. L’église St Eustache, la Mosquée Adda-wa, un temple protestant ou  hindouiste, une synagogue… Au cours des cérémonies, des textes sont proclamés par des bénévoles du Collectif, des « gens de la rue », un prêtre, un pasteur, un rabbin, un imam, un moine…

   Ci-dessous quelques extraits d’un poème :

          

FAIRE MEMOIRE, C’EST VEILLER …

C’est refuser  que la vie s’éteigne, que le souvenir tombe dans le vide de l’oubli.

Nous tous ici présents, nous sommes les veilleurs de nos amis morts : les « morts de la rue ».

Notre silence ici est un cri de colère : Assez de morts de la rue ! Cà suffit !

Nous sommes veilleurs non pour célébrer leur souvenir, mais pour être vigilants

Afin que leur mort ne soit pas inutile…

 

     Mercredi 18 novembre dernier, avait lieu la seconde célébration de 2009, au Palais Royal, grande place dans un quartier de luxe, de beauté, de culture… La place est entourée par le Louvre, le Conseil d’Etat, la Comédie Française, les grands magasins et l’hôtel du Louvre…. 12 pièces d’étoffe blanche et jaune ont été réparties sur la place et chaque pièce est divisée en 14 rectangles portant le nom, l’âge d’une personne, le lieu et la date de la mort. Des veilleuses et des fleurs agrémentent ce cimetière éphémère.

 

   « Amis qui passez, d’ici ou d’ailleurs, recueillez-vous un instant dans ce cimetière éphémère,

 

Cimetière de papier.

 

      Morts de la rue ou des séquelles de la vie à la rue, morts sur le trottoir, dans un squat, à l’hôtel, dans un bois, sur un parking…

 

  Agés de 7 à 85 ans, moyenne d’âge 47,6 ans, là où l’espérance de vie nationale est de 81 ans…

           Morts assassinés, suicidés, de maladie, d’épuisement, de solitude, morts surtout du sentiment de ne plus exister.

 

               Nous sommes des accidentés de la vie, du fait de ruptures familiales, de la perte du travail, du logement…

 

217 « MORTS DE LA RUE », depuis 6 mois, en ILE de FRANCE ou en PROVINCE,

 

N O U S  V I V I O N S  E N  B A S  D E  C H E Z  V O U S …

     

      Un texte d’introduction est lu par un bénévole faisant ressortir le contraste entre le lieu de riches où nous nous trouvons et la misère dans laquelle ces gens ont vécu et sont morts…

     Puis vient la lecture des noms des 217 morts depuis la dernière célébration ; nom, âge, lieu de la mort :

     Le plus jeune mort évoqué avait 7 ans, le plus âgé 85 ans : moyenne d’âge 47 ans et demi…

     Parfois un ami bénévole ou gens de la rue évoque quelques traits de la vie du décédé.

     Un des responsables du Collectif conclut la cérémonie et voici quelques extraits :

 

-          Bernard GROSBOIS dit « Tony » 54 ans, Rosny-sous-Bois. – Un homme non identifié, environ 45 ans.

-          Philippe CHEVALET, environ 50 ans, Paris. – Tahar AOUF , 75 ans, Paris. – Lena 19 ans, Rennes.

-          Un homme, 30 ans. Saint-Ouen. – Un homme, 20 ans, Calais – Bousid CHERAA, Marseille.

-          Une femme, environ 50 ans, Paris. – René MARY dit « La Fraise » 62 ans, Paris – CHEN, le Chinois, Paris.

-          Un enfant, 7 ans, Bobigny. – Lhacem KAALI, 57 ans, Pontoise. – Mohamed BEN SAID, 85 ans, Paris….

 

     « Il peut paraître incongru d’installer les grands exclus au cœur d’un quartier qui symbolise le pouvoir, la richesse, le luxe, la culture, la beauté, toutes choses dont ils ont été privés… « Mettez-les sur les marges, dira-t-on, ce sont des « marginaux ».  C’est le contraire que nous avons décidé de faire : les replacer au cœur de la cité où ils sont morts…

 

      Avant de s’interroger sur l’identité nationale, la France ne pourrait-elle pas s‘interroger sur la solidarité nationale ?

      Osons donc nous regarder en face : nous sommes embarqués dans le même bateau, que nous le voulions ou non… Si ce n’est pas la vie, c’est la mort qui le dira. Serait-elle seule capable de nous mettre enfin à égalité ? » 

    

     Pour clore cette cérémonie, nos mains se réunissent dans le silence et nous formons un grand cercle en pensant  à nos amis de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille Bruxelles… qui organisent ces temps-ci le même genre de célébration.

    

      Un repas partage, selon le rite des repas funéraires, prolonge le recueillement et ce sont de jeunes bénévoles des RESTAURANTS DU CŒUR qui ont aimablement assuré le service…

                                                                                                                                               

      La MISSION des bénévoles ne se limite pas à ces 2 célébrations. Leur rôle principal est l’ACCOMPAGNEMENT DES MORTS ISOLES .

 

      Les lundis et mercredis, quatre morts  – dont ni famille ni proche n’ont été retrouvés ou  n’ont pu être présents – sont accompagnés par des bénévoles qui, sur chaque tombe, lisent un texte et déposent une fleur.

 

      Le collectif « travaille » avec la Mairie de Paris, l’Institut Médico-légal, l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris,  le Cimetière parisien de Thiais (1), les Services Funéraires de la Ville de Paris.

     De par son expérience, le Collectif est devenu un pôle de ressources pour les personnes de la rue, les familles et les associations qui les soutiennent.

 

     Des proches apprennent le décès de personnes de la rue (faire-part, sites divers, communication par internet, etc.) et demandent des informations. Des personnes s’inquiètent de la disparition d’un proche : serait-il mort ?

 

     Un voisin, un ami, une association sont désemparés face aux funérailles d’une personne de la rue. Comment faire ?

 

     Le Collectif répond à ces demandes, vérifie la concordance des informations (dates et lieux de naissance et de décès, associations fréquentées…), met les proches en contact avec les personnes pouvant les renseigner –association fréquentée, amis du défunt, services de police…), aide dans les démarches concernant les funérailles.

 

      Un  atelier artistique réunit une fois par semaine, personnes de la rue, artistes et invités pour ritualiser, permettre le deuil et témoigner d’un autre regard sur la vie et la mort à la rue. Une demi-journée par semaine, dans une ambiance conviviale, des projets prennent forme : textes pour les inhumations au cimetière de Thiais, participation aux éléments artistiques des différentes célébrations, interventions, œuvres collectives, actions théâtrales, lectures publiques…

 

      Des recherches, des réflexions, des publications sont mises en œuvre et développent l’interpellation sur cette réalité que « vivre à la rue fait mourir prématurément ». Deux groupes, l’un plutôt constitué de personnes de la rue, l’autre plutôt de partenaires associatifs. Les échanges ont lieu sur différents thèmes autour de mort et vie dans la rue en vue de publications et interventions. Un coordinateur professeur de lettres, un graphiste, un dessinateur, tous bénévoles, l’équipe salariée et bénévole du Collectif et les personnes de la rue impriment et diffusent 6000 exemplaires du journal « AUX 4  COINS DE LA RUE »(2).   Un livre a également été écrit « A LA RUE » (Buchet/Chastel 2005).

 

     Enfin, le Collectif participe à l’animation des actions communes aux associations qui le constituent. Il soutient et met en lien les associations de différentes villes développant des initiatives proches.

 

 

 

 

 

(1)  Le cimetière de Thiais (Val de Marne) accueille les sépultures isolées et sans ressources, décédées à Paris, dans un espace appelé : JARDIN DE LA FRATERNITE .

 

(2)  Vous pouvez télécharger le journal « Aux 4 coins de la rue » au format PDF :  février 2007 - avril 2007 –  novembre 2007 – avril 2008 – décembre 2008. 

 

 

   

 

 

 

 

 

 

 

    

  

 



22/11/2009
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